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C’est l’objectif annoncé par le gouvernement : avoir un bilan énergétique « carboneutre » d’ici 2050. Est-ce possible ?
Le projet de loi 69 sur la gouvernance des ressources énergétiques, actuellement débattu, rappelle ce but. Mais il ne définit pas ce que le gouvernement entend par «carboneutralité» : vraiment zéro émission de gaz à effet de serre, marge accordée aux industries, surplus qu’on prévoit de capter et enfouir grâce à la technologie ?
Cela passera dans tous les cas par un changement dans notre consommation d’énergie, composée actuellement pour moitié d’énergie fossile. Les défis seront différents selon qu’on parle des transports, des industries ou du secteur résidentiel.
SAMEDI, 28 septembre 2024

Énergie

Le constat de départ
ÉNERGIES RENOUVELABLES : 49%
—Électricité 42 % = 731 PJ
—Biocombustibles 7 % = 122 PJ
ÉNERGIES FOSILES : 51%
—Pétrole 35 % = 610 PJ
—Gaz naturel 14 % = 244 PJ
—Propane et autres liquides 1,2 % = 21 PJ
—Charbon 1,1 % = 19 PJ
TOTAL PÉTAJOULES = 1747
51 % de l’énergie que nous consommons est polluante
Pétrole pour le carburant des véhicules, gaz naturel pour se chauffer, ou encore charbon : l’hydroélectricité ne fait pas tout. Au total, l’énergie fossile compte pour moitié de notre consommation énergétique au Québec, d’après le rapport d’HEC « État de l’énergie au Québec », édition 2024 (sur la consommation en 2021).
PÉTAJOULES (PJ) : unité énergétique commune
Ex : 1 térawattheure d’électricité = 3,6 PJ
Chiffres arrondis : le total ne correspond pas tout à fait
%
0
100
200
300
400
500
600
700
ÉNERGIE CONSOMMÉE EN PÉTAJOULES (PJ)
Le constat et ses défis en détail
Consommation d’énergie en 2021 au Québec, secteur par secteur
—Pétrole
—Électricité
—Gaz naturel
—Biocombustibles
—Propane
—Charbon
PJ

Défi : difficile d’envisager une carboneutralité pure sans envisager des fermetures, car les limites technologiques rendent peu probables de pouvoir alimenter les grosses machines à l’électricité, ni les véhicules lourds, qui ne peuvent être régulièrement arrêtés pour recharge.
Constat : Les aciéries, les alumineries, les mines ou encore le secteur des pâtes et papiers consomment beaucoup de gaz naturel.
19%
- 15 millions de tonnes
- 19 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Industrie
641 PJ
—Pétrole 11%
—Électricité 53%
—Gaz naturel 22%
—Biocombustibles 11%
—Propane 0,4%
—Charbon 3%
DÉTAIL
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Défi : en augmentant sa production de 60 TWh (216 PJ), d’ici 2035, Hydro-Québec entend contribuer à l’électrification du transport des personnes. Certains misent aussi sur l’hydrogène vert : grande puissance énergétique mais cher à produire et encore en développement.
Constat : 2e secteur le plus gourmand en consommation d’énergie, mais il est le plus polluant en matière de GES, qui inclut le transport des personnes mais aussi de marchandises. Le pétrole règne sans partage.
37%
- 29 millions de tonnes
- 37 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Transport
458 PJ
—Pétrole 97%
—Électricité 0,5%
—Gaz naturel 1%
—Biocombustibles 2%
—Propane 0,1%
DÉTAIL
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Défi : carboneutralité possible. La production de 60 TWh supplémentaires d’Hydro-Québec d’ici 2035 aidera à remplacer le gaz naturel. Il faudra mieux consommer pendant les jours de grand froid, car ces pointes réclament plus d’énergie qu’on n’en produit à ce moment-là.
Constat : ce secteur est peu polluant, mais consomme beaucoup d’énergie, surtout pour le chauffage (61% des 326 PJ consommés). Être plus économes permettrait d’investir l’électricité ailleurs.
4%
- 3 millions de tonnes
- 4 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Résidentiel
326 PJ
—Pétrole 3%
—Électricité 76%
—Gaz naturel 8%
—Biocombustibles 12%
—Propane 0,4%
DÉTAIL
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Défi : ces bâtiments, dont les volumes à chauffer sont plus grands que dans le résidentiel, poussent à utiliser une source d’énergie moins chère comme le gaz naturel. Le gaz naturel renouvelable pourra-t-il remplacer cette source d’énergie ?
Constat : inclut les commerces, les hôpitaux dont les appareils de pointe sont énergivores, les écoles (dont les appareils de chauffage au mazout ne peuvent plus être remplacés par un chauffage à énergie fossile, depuis le 31 décembre), etc.
5%
- 4 millions de tonnes
- 5 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Commercial et institutionnel
215 PJ
—Pétrole 16%
—Électricité 55%
—Gaz naturel 26%
—Biocombustibles 1%
—Propane 2%
DÉTAIL
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Défi : il semble difficile d’arrêter de produire de l’asphalte, tant on utilise les routes, à moins de trouver et adopter massivement une technologie propre. Bannir les engrais chimiques impliquera une résistance des lobbies.
Constat : concerne l’usage de combustibles fossiles non pas pour produire de l’énergie, mais pour fabriquer d’autres objets en usine (asphalte, lubrifiant, fertilisants…).
17%
- 13 millions de tonnes
- 17 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Usage non-énergétique
71 PJ
—Pétrole 89%
—Gaz naturel 0,1%
—Propane 8%
—Charbon 3,3%
DÉTAIL
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Défi : Comme dans le secteur industriel, l’usage professionnel de machines lourdes pousse à utiliser des véhicules lourds au diésel ou au propane, dont la puissance énergétique est supérieure à l’électricité. Là aussi, le développement d’une technologie à l’hydrogène vert (si ça marche) pourrait-il changer la donne ?
Constat : l’usage important de pétrole et de propane pour ses machines et véhicules lourds rend le secteur agricole très polluant au prorata de l’énergie qu’il consomme.
10%
- 8 millions de tonnes
- 10 % du total
québécois
GES produits en 2021 :
Agriculture
32 PJ
—Pétrole 61%
—Électricité 22%
—Gaz naturel 4%
—Propane 12%
DÉTAIL
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Et maintenant, on fait quoi ?
Des scénarios à l’étude
+150 à 200 TWh en 2050
Hydrogène vert : « le messie » ?
Différents exemples de scénarios, avec leurs avantages, leurs inconvénients et leurs coûts, devraient être présentés d’ici le 1er avril 2026 dans le PGIRE (plan de gestion intégrée des ressources énergétiques). Le PGIRE, inscrit dans le projet de loi 69, sera préparé par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie. Y aura-t-il ensuite un débat public sur ces choix de société, une relecture par la Régie de l’Énergie? Mystère.
C’est la quantité d’électricité propre supplémentaire qu’Hydro-Québec compte produire d’ici 2050. Cela équivaut à un maximum de 720 pétajoules par an, et ne suffira donc pas totalement à remplacer les presque 900 pétajoules d’énergie fossile que nous brûlons actuellement. Un Québec carboneutre devra donc passer aussi par une consommation d’énergie plus efficace, en la réduisant et en développant des technologies plus performantes.
L’hydrogène vert a une très grande puissance énergétique sur laquelle certains placent beaucoup d’espoir. Mais il coûte cher à produire et il faut utiliser de l’électricité pour ça (voir notre infographie). Il faut aussi être capable de réduire ce gaz sous une forme liquide moins volumineuse. Restera enfin à banaliser la technologie permettant de s’en servir, notamment comme carburant dans les transports.
Quelques scénarios possibles :
- 🔋 Développer l’hydrogène vert
- ☢️ Relancer le nucléaire
- ♨️ Développer la géothermie
- 🏠 Mieux isoler les bâtiments
- 🏭 Imposer une meilleure efficacité énergétique des machines industrielles
- 💡 Encourager les citoyens à mieux consommer en période de pointe


Christine Fréchette, ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie
PHOTO ARCHIVE AGENCE QMI

D’ici 2050

Un parc d'éoliennes à St-Isidore-de-Laprairie, en Montérégie.
PHOTO MARTIN CHEVALIER, JOURNAL DE MONTRÉAL
en cinq minutes
Recherche et rédaction : Baptiste Zapirain
Design et expérience numérique : David Lambert
Sources : HEC « État de l’énergie au Québec » édition 2024, Sylvain Audette, Chaire de recherche en gestion du secteur de l’énergie
Images et vidéo : Adobestock, Envato, Journal de Montréal, Agence QMI


